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Pour la fin d’année, nombre de concerts en ligne ont été programmés. Le 31 décembre, Kiss sortira le grand jeu à l’Atlantis de Dubaï où seront installées plus de cinquante caméras. Les fans devront débourser entre 40 dollars et 99 dollars (pour le VIP package). Le 14 novembre dernier, Rodolphe Burger testait la performance virtuelle dans une chapelle vide à Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin) devant 400 internautes, qui avaient déboursé 15 euros, voire 25 euros pour télécharger le concert après sa retransmission. Après la sidération provoquée par l’arrêt des tournées et le temps des concerts en pyjama dans sa salle de bains, ou des performances dont les bénéfices étaient uniquement reversés à des associations caritatives, les artistes comme les labels ont imaginé un nouveau modèle de live. Payant, cette fois. Aude Chagnon, label-manageuse chez Bigwax, en synthétise la pertinence : “C’est un autre moyen de diffusion, promotion et surtout exposition : quand on sort un disque, on a envie qu’il soit accessible au plus grand nombre. Toutefois, il n’est pas vraiment hasardeux comme peut l’être la radio par exemple, il faut souvent déjà connaître l’artiste et le suivre pour avoir accès à l’information...

Innover l’aspect éditorial de la performance

D’autre part, il ne peut réellement fonctionner que s’il offre une plus-value. C’est le cas de Gorillaz, les 12 et 13 décembre depuis Londres et sur trois fuseaux horaires différents, via la plateforme Livenow – le prix des tickets va de 15 à 40 euros – pour lesquels on peut inviter trois amis à suivre la performance avec nous, et obtenir des goodies comme un économiseur d’écran signé Jamie Hewlett. Pour justifier le prix des places, et réussir à capter un public plus âgé que celui déjà ultra connecté, il faut innover l’aspect éditorial de la performance. “Il faut éviter les copier-coller d’un concert que l’on se contente de filmer en créant un contenu spécifique adapté, explique Stéphane Muraire, directeur marketing chez Initial Artist Services. Par exemple, un live où les gens peuvent faire des demandes spécifiques de titres, ne proposer que des inédits ou des reprises, ou une scénographie incroyable inenvisageable sur scène. Si ce sont des coûts en plus car le public paye moins cher qu’une place de concert de visu, on parle à beaucoup de gens simultanément donc cela reste rentable. Lorsque Hervé, l’une des signatures du label Initial Artist Services, a dû annuler sa date à l’Olympia le 16 novembre, les spectateur·rices ont eu le droit à un mini-show disponible à tous·tes, suivi d’un tour des coulisses. “Cela a coûté cher, le prix d’un clip, commente Stéphane Muraire, mais Spotify nous a permis de le financer. L’objectif : faire exister un jeune artiste qui ne peut rencontrer son public ailleurs que sur scène.”

La sueur et la bière partagée dans la fosse

On l’a compris, le pouvoir des plateformes de diffusion digitales n’en est que renforcé, choisissant de mettre la main au portefeuille pour aider à la production d’un livestream. Les négociations se font avec Facebook Live, Arte Live Web (qui vont chercher des subventions auprès du CNC), Deezer et autres Spotify. Même si certain·es artistes comme Erykah Badu crée la leur propre plateforme afin d’être complètement indépendant·es ! La chanteuse américaine a choisi de faire payer entre 1 et 3 dollars seulement pour ses “Quarantine Concerts”, filmés depuis chez elle et diffusés à date fixe.

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Un succès… qui a ses limites. Car ce qu’on préfère, malgré tout, c’est la sueur et la bière partagée dans la fosse : tous·tes les intervenant·es de l’industrie du disque se retrouvent sur ce point. Cofondateur de l’agence artistique My Favorite et programmateur des festivals BB Mix et Autres Mesures, Jean-Sébastien Nicolet ne conçoit pas son métier sans rassembler des gens” : “le format vidéo comble en effet certains manques, surtout lorsqu’il s’agit de faire vivre un album récemment sorti, et permet de faire découvrir des artistes qu’on ne serait pas allé voir habituellement en salle de concerts. Or, à mon niveau de producteur-tourneur, ce n’est pas une économie tenable. Le livestream m’a rapporté trois contrats… pour les 800 annulés cette année !”

En revanche, grâce aux droits d’auteur, l’éditeur et l’auteur-compositeur peuvent gagner davantage d’argent sur des événements dont la billetterie est désormais relayée par Ticketmaster ou Livenow. Toutefois, tout le monde n’est pas BTS ou Dua Lipa, dont le service de com’ s’enorgueillit des 5 millions de spectateur·rices comptabilisé·es pour son show en ligne, qui a coûté la bagatelle de 1,5 millions de dollars.

>> A lire aussi : Musique : Pourquoi 2020 fut une année aussi atypique qu’enthousiasmante 

Des livestreams qui peuvent rapporter gros 

Quant aux 20 millions de bénéfices du live de Travis Scott sur le jeu vidéo Fortnite, diffusé bien avant le confinement, ils sont le fruit d’une rencontre entre deux publics : celui des fans du rappeur et celui des gamers. Forcément gagnante ! Si le livestream peut être gratuit lorsque les services publics et généreux mécènes sont de la partie (en témoigne le réveillon en mode avatar de Jean-Michel Jarre prévu à Notre-Dame-de-Paris, organisé par la Ville de Paris et l’Unesco), il peut aussi rapporter gros. Mais surtout à des artistes internationaux dont la fanbase se compte en des millions de personnes, ainsi qu’à un certain type de musique : “Pour un groupe de post-punk qui tisse des liens avec le public par des performances organiques, c’est compliqué, analyse Jean-Sébastien Nicolet. Cela fonctionne davantage avec des propositions plus arty, plus nourries du visuel. Plus pop, en somme. Il faut que le groupe ou l’artiste assurent au maximum, renchérit Aude Chagnon. Souvent les conditions sont un peu bancales, le son n’est pas terrible… Il est plus difficile de maintenir l’attention du public sur la longueur. Comme pour le live, certes. Mais la notion de déplacement, de paiement et de partage fait que l’on est plus conciliant dans la fosse que derrière un écran.”

Une grande question se pose : quid du livestream quand la pandémie sera derrière nous ? “Il peut être complémentaire au concert, affirme Stéphane Muraire. Prenons l’exemple d’un Booba ou d’un DJ Snake : pour s’éviter les désagréments d’une longue tournée, ils organisent une date événementielle à l’AccorHotels Arena pour laquelle la France entière se déplace. Si on transpose cette formule sur Internet, c’est possible. C’est comme un match de foot auquel tu ne peux pas aller et que tu regardes à la télévision. Il peut quand même se passer des choses fortes.” Cependant, l’impact sur les professionnel·les de l’industrie peut être lourd : “Cela donne du travail aux équipes techniques, on peut faire appel à une start-up prestataire… Cependant, moins de personnes sont engagées que sur une succession de dates… Il existe peu de chance d’avoir l’intermittence avec si peu, et cela ne peut donc pas remplacer une tournée live.”

D’autant qu’une fois les confinements passés, nombreux seront ceux qui n’auront qu’une envie : sortir faire la fête dans une salle de concert. Et au livestream de reprendre sa fonction originelle, celle d’un outil promotionnel et/ou marketing, avec lequel on peut beaucoup s’amuser, dont La Blogothèque ou Colors ont d’ailleurs fait un véritable manifeste artistique… qui ne peut remplacer une performance scénique en chair et en os. Le mot de la fin, on le laisse à Chilly Gonzales, qui nous a confié sa vision du livestream : “C’est toujours mieux que rien, mais c’est comme faire l’amour avec trois préservatifs.

>> A lire aussi : Comment Gorillaz a révolutionné le livestream

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