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Les jeux vidéo, nouvel eldorado de la culture ? Image d'illustration.

MONDES VIRTUELS – “Le jeu vidéo, c’est une porte d’entrée, un complément aux musées”, s’enthousiasme Léo Tessier, employé du muséum des sciences naturelles de la ville d’Angers. Pendant le premier confinement, ce médiateur scientifique a rencontré un franc succès en détournant le jeu “Animal Crossing” pour organiser des visites virtuelles. Ces initiatives fleurissent un peu partout dans le monde pour compenser l’absence du public. 

Subissant d’énormes pertes avec les restrictions sanitaires, la culture se réinvente à marche forcée. Les musées, les artistes et le cinéma investissent les mondes virtuels du jeu vidéo pour maintenir le lien et parfois trouver de nouvelles sources de financement. Certains acteurs traditionnels de la culture et du spectacle envisagent désormais une présence à long terme sur cet espace émergeant, porté par l’avènement des jeux-plateforme. 

En mars dernier, Léo Tessier, 28 ans succombe à la folie “Animal Crossing: New Horizons” sur la console Switch et achète le jeu. En 11 jours, Nintendo écoule 11 millions de copies. “Dans le monde d’Animal Crossing, il y a des petits musées de science naturelle bien réalisés. Je voulais apporter des informations, sur le milieu de vie et le comportement des spécimens reproduits dans le jeu”, explique le médiateur scientifique d’Angers. Il décide de profiter de cet univers déjà disponible pour renouer avec les visiteurs de l’établissement, confinés chez eux.

Des avatars virtuels 

Au travers de leurs avatars virtuels, 200 personnes se pressent pour observer des fossiles et des insectes pixélisés, mais dont les caractéristiques correspondent à la réalité. Au fur et à mesure des déambulations, le personnel du musée délivre à l’oral des anecdotes et des précisions scientifiques via une application téléphonique. Le muséum d’Angers est loin d’être un exemple isolé. Le Cincinnati Art Museum, le Getty Museum et le Metropolitan Museum of Art, des musées réputés ont téléversé leurs œuvres d’art dans le jeu, selon un communiqué de Nintendo. 

Animal Crossing attire les musées qui peuvent téléverser des photos de leurs oeuvres. Ici, le musée d'Angers utilise les décors du jeu pour une petite visite d'histoire naturelle.

Dans la musique, l’engouement pour ce genre d’initiative est frappant. Le 23 avril 2020 Travis Scott, une superstar américaine donne un concert sur le jeu de tir Fortnite et rassemble 12,3 millions de spectateurs en direct. Les joueurs représentés par leurs avatars virtuels pouvaient danser et manifester des émotions directement dans l’univers virtuel. Les retombées économiques de cet événement sont bien réelles: le rappeur a vu son audience streaming bondir de 124 %, selon les chiffres des plateformes musicales. 

Travis Scott, Alonzo… et même un festival entier

La tendance est mondiale. À l’image de l’artiste français Alonzo qui s’est produit sur le jeu Grand Theft Auto V devant plus de 20 000 personnes, selon Le Mouv. Trois fois le Zénith de Paris. Un festival de musique électronique rassemblant 950 DJs devait même se tenir sur Minecraft. Intitulé Rave family Block Fest, le rassemblement virtuel a été reporté peu après son lancement, victime de son succès: les serveurs du jeu n’ont pas supporté un nombre de connexions aussi élevé, expliquaient les organisateurs sur leur page Facebook.

Avant le confinement des artistes ont éprouvé la réception du public face à de tels événements. Le DJ Marshmello avait déjà réuni 10 millions de joueurs sur Fortnite en février 2019. Cette ruée vers les espaces virtuels pourrait se poursuivre après le confinement. Le jeu vidéo est le segment le plus lucratif de l’industrie du divertissement et profite d’une communauté active de millions de joueurs.

Avec les jeux vidéo, les musées et les artistes peuvent proposer une immersion à moindres frais: pas besoin de casques de réalité virtuelle, une manette suffit. Ils profitent d’un environnement déjà développé, dans lesquels de petites modifications suffisent pour afficher une version numérisée d’un rappeur ou des toiles de maitre. 

Les métavers, Internet 2.0?  

Pensé comme un jeu où il faut trouver des armes et éliminer ses adverses, Fortnite est en train de devenir une véritable plateforme sociale. C’est maintenant un espace de rassemblement virtuel, sur lequel presque tout est possible. Récemment, des bandes-annonces de blockbusters comme “Tenet”, le film de Christopher Nolan, y ont été dévoilées. 

Depuis quelques années l’idée d’un “univers dématérialisé” ou de métavers fait son grand retour. Pour certains, ces univers en 3D modélisés dans les jeux vidéo associés à la facilité de prise en main et la puissance des réseaux sociaux pourraient radicalement changer la manière dont on utilise Internet, jusqu’ici principalement composé de pages de texte et de vidéo. Des géants d’Internet ont aussi exprimé leur souhait de modéliser en plusieurs dimensions leur univers virtuel, comme Facebook, Samsung ou Google. 

 

“Fortnite est un jeu. Mais svp reposez cette question dans 12 mois”

En réalité d’autres entreprises ont déjà essayé de construire de tels lieux, avant que la 4G et les réseaux sociaux ne soient développés dans les années 2000 des grandes marques comme Apple et IBM utilisaient le jeu vidéo “Second Life” comme point de vente et également comme lieu de réunion virtuelle. Si la pratique n’est pas nouvelle, elle bénéficie d’un second souffle, grâce au confinement, aux réseaux sociaux et aux évolutions du jeu vidéo. 

Certains acteurs de la culture et du divertissement commencent à traduire ces initiatives en investissement à long terme. En mai 2020, quelques semaines après la réussite phénoménale du concert de Travis Scott la branche américaine de la maison de disque Sony Music recrute des développeurs spécialisés dans le jeu vidéo, et ayant une expérience avec le moteur de jeu de Fortnite, une technologie appelée Unreal engine. Le but ? Développer “une nouvelle expérience musicale en utilisant les dernières technologies du jeu vidéo”, peut-on lire dans l’annonce. 

À Angers, même son de cloche. L’adjoint à la culture Nicolas Dufetel réfléchit sérieusement à pérenniser ces visites virtuelles: “Le jeu vidéo, c’est plus qu’un phénomène, c’est une réalité. On doit s’en saisir”, clame l’élu au HuffPost. Il précise que sa porte est ouverte, au cas ou Nintendo ou d’autres développeurs auraient envie de faire une proposition commerciale aux musées de la ville. 

À voir également sur Le HuffPost: ces bugs sur “Cyberpunk 2077” rendent fous les joueurs

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